viticulture et biodiversité :
tout est question d’équilibre… naturellement !

À partir des années 50, deux facteurs ont transformé en profondeur la vigne. Le recours à la chimie tout d’abord, pour lutter contre les insectes ravageurs et les maladies fongiques. L’utilisation des machines à moteur ensuite, qui a modifié la structure même des vignobles. En conséquence, les pratiques sont aujourd’hui à l’origine de profonds déséquilibres écologiques. Si bien que de plus en plus d’acteurs du monde viticole se mobilisent pour trouver des solutions alternatives.

Vers une viticulture plus respectueuse de l’environnement

Depuis le début des années 2000, la viticulture tend à sortir progressivement d’une logique purement productiviste. Viticulture bio, biodynamie, vins naturels… De nouvelles pratiques plus respectueuses de l’environnement se développent. En 2020 en France, les surfaces de vignes cultivées en bio ont progressé de 22 % et représentent environ 20 % des surfaces totales.

A l’échelle mondiale, l’Organisation Internationale de la Vigne (OIV) révèle que près d’un demi-million d’hectares dans le monde sont aujourd’hui consacrés à l’élaboration de vins biologiques. Une tendance de fond qui devrait favoriser la biodiversité et permettre de restaurer petit à petit les grands équilibres naturels de la vigne.

 

La nécessaire préservation de la biodiversité

 

Pour Christian Levêque, directeur de recherche de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), la préservation de la biodiversité est tout simplement indispensable. Au niveau écologique, elle permet de maintenir les processus d’évolution du monde vivant.

Elle joue également un rôle dans la régulation des grands équilibres physico-chimiques de la biosphère. Elle contribue à la fertilité des sols et à sa protection, ainsi qu'à la régulation du cycle hydrologique. En absorbant et en décomposant divers polluants organiques et minéraux, elle participe à l'épuration des eaux.

Au niveau économique, elle contribue à la fourniture de nombreux produits alimentaires, de matières premières pour l'industrie, de médicaments, de matériaux de construction et à usages domestiques.

Enfin, elle suscite une activité économique liée au tourisme et à l'observation d'espèces dans leur milieu naturel, ou à l'attrait des paysages.

 

Les bénéfices de la diversité biologique sur la vigne

Si la biodiversité est évidemment souhaitable à plus d’un titre, elle l’est aussi pour préserver et valoriser le travail des viticulteurs, notamment parce que les systèmes en monoculture comme les vignobles sont plus fragiles et vulnérables face aux maladies. Il a par exemple été démontré, dans le territoire de l’AOC Saumur-Champigny, que les vignobles très homogènes sont plus attaqués par le ver de grappe que ceux entrecoupés de haies et autres milieux qui

constituent potentiellement des réservoirs pour les pollinisateurs et les auxiliaires de culture. La biodiversité augmente et stabilise les rendements face aux aléas comme les ravageurs de culture. Des études ont démontré que la diversification du couvert végétal a généralement des effets positifs sur la qualité des raisins, en termes de concentration en sucre, en anthocyanes et en polyphénols.

Exemples d’aménagements qui favorisent la biodiversité dans les vignes

L’enherbement entre les rangs

 

  • Amélioration de la structure et portance du sol
  • Limitation de l’érosion : facilite l’infiltration de l’eau dans le sol
  • Diminution de la vigueur de la vigne en réduisant la croissance végétative
  • Diminution de la sensibilité à certaines maladies : botrytis, mildiou et oïdium
  • Amélioration du taux de matière organique
  • Augmentation de la biodiversité dans l’espace herbacé

Les haies et les zones arborées

 

  • Protection microclimatique (ralentissement du vent, diminution de l’érosion éolienne, réduction de l’évapotranspiration, augmentation de l’hygrométrie, etc). 
  • Régulation de la ressource en eau (restitution de l’eau puisée en profondeur, rétention de l’eau, augmentation de l’infiltration, filtration des pollutions, etc).
  • Fertilisation du sol (apport de la matière organique, structuration du sol avec les racines, stimulation de la vie du sol et limitation de son érosion)
  • Création d’une barrière contre les pollutions de pesticides
  • Contribution à l’image du vignoble
Le patrimoine bâti et les zones humides
  • Augmentation de la capacité d’accueil des espèces anthropophiles : l’aménagement du patrimoine bâti (loges, chai, murs, murets, etc.) peut favoriser la présence d’espèces notamment d’oiseaux et de chauves-souris
  • Diversification des milieux : ces habitats participent à l’hétérogénéité des paysages et augmentent la variété des milieux disponibles
  • Valorisation d’un patrimoine délaissé


Sur quoi portent vos travaux de recherche aujourd’hui ?

Pour faire face au réchauffement climatique, on voit se développer de nouveaux cépages plus résistants mais qui peuvent avoir des goûts moins agréables. Les œnologues essaient d’adapter les techniques pour que les qualités organoleptiques restent identiques ou en tout cas pour gommer les éventuels défauts.

La technologie nous permet également d’améliorer la finesse des vins. Mais attention, on ne fera jamais d’un âne un cheval de course ! Nos recherches portent également sur l’aspect environnemental et le développement durable. On essaie de rendre les machines moins gourmandes en énergie que ce soit en électricité ou en eau.

« Il n’y a pas de recette toute faite pour réussir la diversité biologique. On doit avoir des approches différentes selon les vignobles, un cahier des charges adapté à chaque région voire à chaque parcelle. Nos terroirs en France et dans le monde sont tellement divers. Ce qui est vrai en Champagne n’est pas forcément vrai dans le Sud. Il faut adapter les solutions aux données climatiques, à la pente ou encore au type de sol. Il faut aussi une dynamique collective. On ne peut pas agir sur la biodiversité tout seul de son côté. Une vision et une réflexion globale à l’échelle du terroir est nécessaire. Je pense également que la robotisation, en facilitant la gestion des sols, sera un outil de plus dans l’augmentation de la diversité biologique. »

Joël Rochard
Consultant international viticulture œnologie durable